vendredi 20 février 2009

"Frozen river" de Courtney Hunt


Melissa Leo n'a pas de chance: elle déteste tant le botox que le silicone, elle n'est pas blonde et plus proche de cinquante que de trente ans. C'est probablement pour ça qu'on la voit si peu, la dernière fois, c'était dans 21 grams, déjà très impressionante épouse matraquée par la vie puisque aux côtés d'un Benicio del Toro en toxico pré et post rédemption. Cette fois-ci, elle a un peu plus de chance puisque le mari accro au jeu est parti avec les économies et n'apparaît donc pas à l'écran mais surtout, elle a le premier rôle de ce premier film de Courtney Hunt, Frozen river. Et là, on ne voit guère qu'une Tilda Swinton dans le Julia de Zoncassavettes pour rivaliser! D'un regard, Madame déménage l'enfer glacé dans lequel elle survit avec sa paire de fils paternellement abandonnés, égarés dans un mobile home aussi pourri que n'importe quelle vie d'américains dans un terrain vague, entre les congères de la frontière canadienne quelques heures avant que l'on vienne saisir la TV impayée... Quand Ray/Melissa rencontre Lila, une indienne Mohawk encore plus larguée - impeccablement interprétée par Misty Upham-, en cette veille de Noël, elle sait déjà que Santa Klaus est en train de lui jouer un vilain tour...

Le thème de ces deux femmes en rade du vieux rêve américain qui n'a jamais eu autant de plomb dans l'aile est idéal pour le grand prix largement mérité du festival de Sundance. L'indépendance, elles connaissent aussi bien que Courtney Hunt qui a écrit avant de réaliser cette perle glacée pour une poignée de dollars. La rivière gelée, c'est l'endroit par lequel on entre ou sort de la légalité, Styx tellement abandonné qu'il faut vraiment être désespéré pour oser aller y trouver de l'espoir. C'est ce qu'elles vont pourtant faire en transbordant des clandestins dans le coffre de leur voiture et, faut-il y voir un signe, les clandestins sont des Chinois grâce auxquels Ray va pouvoir regagner l'argent dilapidé par le mari et enfin offrir un mobile home étanche à ces gamins frigorifiés... Même à Sundance, les Chinois sont le banquiers des Américains!

Frozen river est un magnifique petit film, un film de femmes qui n'apparaît jamais comme tel, d'une pureté minérale et sans concession, qui échappe aux bons sentiments lacrymogènes pour s'en tenir au respect et à la dignité: comment ne pourrait-il pas être le film de l'hiver, de tous les hivers?
Photos: Affiche; Ray découvre que son mari est parti avec l'argent du ménage; clandestins chinois et passeur américain; Melissa Leo & Courtney Hunt

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