mardi 10 février 2009

"W." d'Oliver Stone

Que n'aura-t-on pas fait dire au titre du best-seller publié en 1976 par le Dr Pierre Rentchnik et le journaliste Pierre Accoce, Ces malades qui nous gouvernent! De la maladie cachée de Mitterrand au diagnostique de folie fait par Jean-François Kahn à propos de Sarkozy, l'état de santé de nos dirigeants est en question permanente, a fortiori, ainsi que le souligne Emmanuel Todd dans Après la démocratie, quand l'homme en question a le pouvoir d'appuyer sur le bouton qui nous transformera définitivement en chaleur et lumière. De quoi prendre peur en regardant W. d'Oliver Stone, portrait à charge de celui qui vient de pourrir l'Amérique et une bonne partie de la planète pendant huit ans.


Au fil des années et des films, on ne peut pas dire que le style de Stone se soit allégé! Si Platoon a fait référence et que Né un 4 juillet reste regardable, l'ensemble de sa filmographie se jauge à la tonne et W. n'y échappe pas. Portrait serré, très serré - le génial Josh Brolin (No country for the old man) est quasiment de tous les plans - d'un névrosé dont le background psy est exposé surexposé jusqu'à la nausée, en contrepoint des séances de groupe dans le bureau ovale où l'on retrouve toute la clique de vieux réactionnaires que Stone présente étrangement sans idéologie, simples pantins en compétition interne, au service d'un gosse frustré et dépourvu de toute autre motivation que celle de convaincre ses parents de ses qualités. Rude tâche! Alcoolique notoire dénué d'une quelconque capacité à faire quoi que ce soit si ce n'est des conneries que papa effacera, il est tenu à l'écart des affaires au profit de son frère (le gouverneur de Floride qui lui assurera son deuxième mandat), à peine entrevu au long des deux heures de film. Tour de passe-passe cinématographique, hop, voilà le crétin devenu président des États-Unis du monde, cherchant ses armes de destruction massive, voulant la peau de Saddam, de son frère, de son père, etc. C'est franchement pathétique, étouffant, et le film se termine sans que l'on sache si le sentiment désagréable qui subsiste est celui qui accompagne les films ratés ou s'il ne s'agit pas au contraire, en l'espèce, d'une trop grande honnêteté, d'un trop grand réalisme collant à un sujet putréfié. Il faudrait revoir le film mais j'avoue que le courage me manque…


En revanche, ce portrait suscite un malaise plus large qui n'arrange ni les affaires de l'Occident ni celles de la démocratie. Que donneraient en effet les portraits aussi peu hagiographiques d'un Berlusconi, d'une Thatcher (en train de basculer dans une folie irréversible), d'un Poutine, d'un Reagan et bien sûr d'un Sarkozy? La conquête du pouvoir et l'énergie qu'elle implique, l'indispensable dose de machiavélisme et de paranoïa qu'elle semble nécessiter, sont-elles compatibles avec un esprit suffisamment équilibré pour servir une collectivité plutôt qu'un ego démesuré? Eh oui, nous y voilà! Le contre-exemple… Bande Originale d'un conte de fée inespéré, ne serait-ce que pour avoir invité Bruce Sprinsteen et Aretha Franklin à son investiture - quand même autre chose que Doc Gynéco et l'affreux Jojo national pourtant tellement emblématique de Sarkozy et d'une certaine France -, Barak Obama paraît prêt à faire mentir le diagnostic tragique qui colle à l'idée même de gouvernance individuelle.


L'obamania cependant m'inquiète autant que Liu Xiang sur la ligne de départ. Depuis des mois, à longueur de spots publicitaires, pour un soda, une paire de pompes à clous, il pulvérisait tout, record, adversaire, écran, complexe national, etc. Sacrée pression! Comment ne pas décevoir? Certes, Obama jongle fort habilement entre un discours quasiment messianique – Yes, we can! -et la posture de l'homme simple pour qui le charisme est avant tout une question d'honnêteté; certes, il n'a pas perdu de temps pour prendre quelques mesures radicales (fermeture de Guantanamo, par exemple) effaçant son aberrant prédécesseur… Certes. J'ai pourtant peine à croire que cette improbable métissage de Kennedy et Luther King ne va pas décevoir les trop grands rêveurs quand il aura été durablement confronté à la réalité de la globalisation – d'autant plus quand son banquier est à Beijing et le tient littéralement par les bourses… S'il y a tout lieu d'être enthousiaste et reconnaissant au peuple américain d'avoir osé, si la fin de règne du Texan demeuré est un soulagement pour tout le monde, il serait raisonnable d'accorder une dimension humaine et donc faillible au phénomène Obama – je n'aimerais pas le voir rentrer au vestiaire sans vraiment faire la course… Et si un jour quelqu'un tourne le H. de Barak Hussein Obama, au moins, cela fera un bon film!

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