mercredi 4 février 2009

La tentation du retour

De retour de deux semaines en France et voilà deux piles de livres qui encombrent le bureau pour quelques temps... Que faire de cette bipolarité? Si ce n'est espérer qu'elle n'ajoute pas encore à la confusion régnante...
Ce nouveau blog pour m'aider à y voir clair, peut-être recevoir l'aide de quelques lecteurs égarés à cette adresse mais plus avisés que moi. Une pile est constituée de:
  1. La télécratie contre la démocratie de Bernard Stiegler - Champs essais
  2. Après la démocratie d'Emmanuel Todd - Gallimard
  3. Pour sauver la planète, sortez du capitalisme de Hervé Kempf - Seuil
  4. La haine de l'occident de Jean Ziegler - Albin Michel
  5. L'espèce humaine de Robert Antelme - Gallimard
Ça fait sérieux, non? Je dois lire Robert Antelme depuis des années... Mais j'étais en guerre contre la collection tel de Gallimard qui tient absolument à imprimer en corps 10 très serré, de l'ordre de l'attentat rétinien! J'ai donc attendu d'y voir encore moins bien pour me résoudre...

La seconde pile (à droite ou à gauche? ) essaie de cautionner le retour à Shanghai:

  1. Entretiens de Confucius traduit par Anne Cheng - points Seuil
  2. Servir le peuple de Yan Lianke traduit par Claude Payen - Philippe Picquier
  3. Petit dictionnaire chinois-anglais pour amants de Xiaolu Guo traduit par Karine Laléchère - Buchet Chastel
  4. Hu Jie et ses films (Monde chinois n°14 )
  5. En marche vers la société d'harmonie (Perspectives chinoises n°100)

Écartelé entre ces deux piles, équilibriste feuilletant en attente d'un signe, je m'en remets à l'éloge de la fuite qui me pousse vers quelques jokers ramenés en bandoulière pour échapper aux fatidiques trente kilos de bagages... La fin des temps de Haruki Murakami devrait m'emporter loin de ces deux piles effrayantes et la relecture du Visiteur d'É-E. Schmitt m'arracher à nouveau des sourires admiratifs avant de le soumettre aux étudiants de Master.

Tout ça pour dire quoi?

Que vivre (être) en Chine pour un occidental, c'est peut-être avant tout faire l'expérience d'un monde bipolaire qui se moque éperdument de la chute du mur de Berlin. La grande muraille ne risque pas de s'effondrer... Certes la vitrine affiche l'image standardisée des apparences adoubées par les médias planétaires et les étudiantes se pâment littéralement devant Desperate housewives ou Prison break, mais le discours d'investiture d'Obama est tronçonné et le site plateforme de chat Bullog où les jeunes commençaient à dire quelque chose est purement et simplement supprimé. Et ce n'est là encore que l'expression hélas habituelle du Parti! Plus grave à mon sens est l'envahissant néo-confucianisme remis très habilement en selle par le pouvoir depuis une grosse dizaine d'années en compensation morale de l'ouverture ultra-libérale de Deng Xiaoping. La fracture culturelle qui sépare actuellement la société civile chinoise des valeurs occidentales rêvant d'universalisme est béante, régulièrement envenimée par les maladresses élyséennes que le pouvoir chinois souligne, surligne, piédestalise pour ressouder l'union nationale, ce mythe absolu. La société dite harmonieuse, au moins dans sa frange ignorante des soixante dernières années de son histoire, est élevée au biberon de la xénophobie. Anecdote qui pourrait être drôle si elle n'était aussi pathétique: la mère de ma compagne (32 ans) menace de venir me battre avec un gros bâton (sic!) si je ne relâche pas sa fille, évidemment devenue mon esclave sexuelle... Au moins puis-je attester de ce délire puisque j'ai la lettre sous les yeux!

Comment vivre cette dichotomie radicale? Travailler en Chine dans un sentiment de rejet réciproque et se focaliser sur la réalité du monde ouvert? J'en suis incapable. Là où je travaille, aime, vis, je suis et je suis tout entier. Au contraire, se spécialiser dans la culture chinoise, apprendre à lire et écrire sa langue pour mieux contrer la multitude des détracteurs de mon étrangéité? Inutile, mon seul statut d'étranger suffit à récuser toute pertinence à mon propos... Et quand bien même mandarinerais-je savamment, "ils" se mettraient à parler en shanghaien! Quadrature.

J'espère que les notes de lecture qui suivront dans les prochains jours et les critiques du dvd récréatif du soir, pourront, à défaut d'écrire cet impossible livre de synthèse conciliatrice, apporter un éclairage honnête et sincère, sans arrogance ni condescendence, sur ce que les politiques et autres décideurs semblent totalement ignorer: l'empire du milieu n'est pas un pays comme les autres à la surface de la Terre, c'est une planète où l'étranger ne peut être qu'un alien! Gentil alien, méchant alien, mais de toute façon alien...

4 commentaires:

  1. WoW...la liste des livres est vraiment impressionnante, du courage!
    J'aimerais bien t'accompagner à parcourrir cette aventure rigoureuse et effrayante car nous envisageons preque les mêmes défis, toi en tant qu'intrus et moi qui me regarde à travers les intrus. Le dilemme, le dichotomie, la contradiction, le malentendu sont ce que nous rencontrons le plus souvent. Que faire alors,surtout quand on se trouve devant la fracture, l'incompréhension et les idées préconçues? (beaucoup de regrets pour toi et aussi pour ta belle-mère...)
    Lire, entendre, dialoguer. Espérons que l'indulgence, la communication et la nature huamine commune nous consolent et consolident.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Rêveur encore, mais tu es de plus en plus modéré depuis l'installation en Chine; en revanche, tes élèves sont rendus plus coléreux et ne se laissent plus abuser facilement par une propagande quelconque...

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  4. Bienvenu dans le monde des blogs, Olivier. Cette histoire de gros bâton ne manque pas de piquant. Entendue de loin, elle est drôle, en effet, et surtout, on se dit que la jeune femme ne peut que vouloir rester avec toi.
    A la prochaine, dans le quartier du Face (qui a fermé m'a-t-on dit), quand je serai de passage à Shanghai.
    Bise à Xiang Fei.

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