
La globalité de ce système tient bien sûr à l'absence de réelle couverture sociale, les maigres retraites, indemnités, assurances - quand elles existent! - étant sans rapport avec le coût de la vie actuelle. Le meilleur moyen de s'en sortir, c'est donc de satisfaire le premier palier de la pyramide de Maslow: c'est à dire valoriser le sens de la sécurité. On comprend mieux vue d'ici l'extraordinaire richesse que représente une notion banalisée en France, la sécurité sociale. Pour la génération de mes beaux-parents, "consommer" n'a pas plus de sens que "jouir de la vie", "philosopher", ou "être amoureux", toutes ces considérations oiseuses n'étant au mieux qu'une futilité, au pire une trahison, une entorse impardonnable à la piété filiale, piété familiale, une grave absence de sens de la responsabilité. Pour les nouvelles générations des grandes villes, peu à peu, les choses changent. Le pouvoir d'achat a sensiblement évolué ces dernières années et la séduction du consumérisme est très performante. Cependant, les secteurs évoqués par Silouane demeurent une jungle où la seule machette efficace est l'effigie de Mao sur les billets de 100 dupliqués autant de fois que possible. Donc, l'épargne encore, l'épargne toujours. Et quadrature pour un gouvernement et une économie qui, comme n'importe quel pays en situation de dépendance au marché, ont dramatiquement besoin d'une relance permanente, c'est à dire d'une consommation exponentielle, pour alimenter l'emploi et le profit ultra libéral. Comment faire?
L'une des solutions tient dans le petit morceau de plastique en illustration. C'est une carte de paiement d'une valeur X (500 ou 1000, en général) perçue à titre de prime et d'une validité n'excédant pas deux ans. Certaines de ces cartes n'étant valables que dans les magasins d'État de type Lianhua, on peut parler de protectionnisme. Elles sont pourtant plus généralement ouvertes à quasiment toutes les dépenses en magasin. Périssables, elles ne peuvent qu'être injectées dans le commerce et font ainsi tourner la boutique Chine. A titre d'exemple, un cadre sup de l'administration a touché une prime annuelle de 30 000 yuans en cartes. S'il est possible de les monnayer au marché noir à un taux raisonnable – une carte de 1000 yuans vendue 900/950 yuans –, l'illusion de ne pas dépenser en utilisant le morceau de plastique est aussi grisante ici qu'ailleurs! De là à acheter des produits étrangers, il y a un grand pas que seuls les Chinois ayant une expérience de l'étranger franchissent mais, le réflexe consumériste étant pris et désormais entretenu, de nombreux petits pas sont faits chaque jour.
http://silouane.blog.lemonde.fr/2009/04/12/quand-le-reve-rencontre-la-realite/
"Pour la génération de mes beaux-parents, "consommer" n'a pas plus de sens que "jouir de la vie", "philosopher", ou "être amoureux",
RépondreSupprimerMerci Olivier de développer un vaste sujet. Le développement économique du pays a bien entendu un rapport avec cette vision de la vie. Cette génération ( qui me rappelle celle de mes grands-parents français ou celle de sexagénaires taïwanais connus dans les années 80 à Taipei) a connu ou le manque ou la frugalité à une époque où on parlait encore de nourrir et habiller tout le monde (le fameux 温饱wēn bǎo ), le reste n'est que superflu comme vous le dites.
J'ai connu votre blog grâce au Sage précaire, qui a écrit un éloge très mérité.
Merci!:)Je suis le votre avec grand intérêt également...
RépondreSupprimer